13 février 2018 à 16:45
QUAND LE FOOT DERAPE...
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A MÉDITER...
Il est bien loin le football amateur des dernières années. Ce football convivial et festif où des amis se retrouvent le week-end pour taper dans un ballon. Même si de nombreux clubs ont conservé cette authenticité, notamment dans les plus basses divisions, le milieu amateur connaît une véritable dérive depuis quelques saisons. À l’heure actuelle, et la crise économique est loin d’y être étrangère, rares sont les joueurs qui restent fidèles à leur club, à leur maillot. Pour mieux comprendre ce phénomène dicté par les prétentions financières, nous avons donné la parole à plusieurs personnalités du football amateur. Des entraîneurs aux joueurs en passant par les présidents de clubs, tous les acteurs sont confrontés à cette dérive. Reportage…
« On est des amateurs, donc normalement, on ne devrait pas entendre parler d’argent. Néanmoins, on a autant de contraintes que des pros, si ce n’est plus car nous travaillons à côté. Ça demande encore plus de rigueur. Et puis cumuler le travail, le foot et la famille, ce n’est pas l’idéal. On fait énormément de sacrifices pour vivre de notre passion. » Cet aveu d’un joueur de National 2 est loin d’être unique. Si le football est une vraie source d’universalité et de partage, il y a un sujet dont on n’aime pas parler et qui demeure tabou, c’est l’argent. À ce niveau, il est courant, et ce depuis des années, que les joueurs soient rémunérés. Ce qui rend cette déclaration plus insolite et même inquiétante, c’est quand elle est partagée par des joueurs de District, dont l’amour du maillot ou du village étaient les seuls moteurs il y a encore quelques années. Aujourd’hui, un joueur de Ligue peut toucher jusqu’à 1000 euros et un joueur de District jusqu’à 500 euros. Des sommes qui peuvent paraître élevées, surtout quand elles sont accompagnées d’un travail comme c’est régulièrement le cas. Pour ce joueur de Régional 1, l’aspect financier est aujourd’hui incontournable dans les tractations autour d’éventuels transferts. « Les clubs te demandent ce que tu comptes faire l’année suivante, si tu es intéressé pour les rencontrer. Généralement, ils proposent des fixes et un job pour les grosses offres. Je peux refuser un club si le salaire ne me convient pas. Mais avant toute chose, je regarde si le projet sportif est intéressant. L’argent est important pour beaucoup de joueurs, ce qui créé des problèmes dans le vestiaire. Mais ce n’est pas toujours le cas car généralement, les montants perçus restent secrets. »
Des clubs à bout de souffle…
Ce qui était à l’époque un privilège réservé à une minorité de joueurs est donc aujourd’hui devenu monnaie courante, notamment pendant cette période très instable du mercato. Jean-Michel Guzman, entraîneur en R1 à Saint Clément Montferrier (Hérault), regrette cette escalade. « Le monde amateur marche sur la tête, les joueurs liés à leur club existent de moins en moins. J’aimerais construire sur la durée mais beaucoup de garçons sont de passage. Il reste heureusement des joueurs fidèles, c’est pour eux que l’on continue à s’investir. Mais le mercato est une période que je n’aime pas. » explique le coach héraultais, avant d’ajouter. « J’ai été en contact avec pas mal de joueurs qui m’ont prétendu avoir envie de bosser avec moi et qui croient à notre projet sportif, mais qui m’ont clairement avoué privilégier l’argent, quitte à aller à des niveaux inférieurs. C’est le constat cruel actuel de notre football amateur. »Le bilan de Jean-Michel Guzman est dur et même inquiétant. D’autant qu’il est partagé par une immense majorité des entraîneurs du monde amateur. André Basile, qui officie à l’AS Rousson (Gard) en Régional 2, n’est pas surpris par cette évolution même s’il la regrette fortement. « Ce que l’on voit dans le monde professionnel a forcément de l’influence sur le monde amateur. Avec la crise, c’est logique de retrouver certaines dérives. C’est l’escalade, les clubs surenchérissent pendant que les joueurs se vendent aux plus offrants pour avoir un petit plus à la fin du mois. L’amour du maillot et l’esprit club sont oubliés avec l’appât du gain. »Mais au delà des entraîneurs qui sont en première ligne pendant le mercato, les dirigeants sont également particulièrement concernés par cette problématique. Jean-Philippe Bacou, le président du club des Arceaux (Hérault), dont l’engagement dans le football amateur est total depuis de nombreuses années, a beaucoup de mal à s’adapter à cette évolution. « C’est la période que je déteste le plus avec toutes les rumeurs et l’attente pour savoir si tes joueurs vont continuer ou pas. Avec toutes les sollicitations, les rêves que l’on vend ou encore les promesses non tenues, c’est compliqué. Au moins, chez nous, on ne promet pas des choses farfelues. On a la convivialité, les pizzas et les grillades, pas plus. Aujourd’hui, beaucoup de joueurs commencent leur phrase par « combien », « contrat », etc. Beaucoup croient encore que le football amateur permet de gagner sa vie. Les joueurs qui ont compris le système en profitent et font courir des fausses rumeurs pour faire monter les enchères. Aux Arceaux, on n’a pas ces problèmes car on passe après les autres. Certains clubs qui ont proposé beaucoup à leurs joueurs ont souvent le retour du bâton en mettant la clé sous la porte. » Cette issue est effectivement loin d’être unique. Chaque année, des centaines de clubs payent une mauvaise gestion financière et disparaissent. Pour éviter d’en arriver à de telles extrémités, les instances n’ont malheureusement que très peu de leviers. À l’heure actuelle, les clubs amateurs ne sont que très (trop) peu contrôlés. Une situation que regrette Jean-Michel Guzman. « Les instances doivent réagir. Le football professionnel a la DNCG, le monde amateur doit également pouvoir contrôler ces dérives car elles faussent l’éthique. Je suis également favorable à ce qu’elles limitent le nombre de changements de clubs d’un mineur à trois différents jusqu’à ses 18 ans. Car il ne s’agit pas que d’un fléau lié à l’argent, il y a aussi un problème d’éducation sportive. Il y a des jeunes joueurs de 15 ou 16 ans qui ont déjà changé quatre à cinq fois de clubs pour aller d’année en année au plus offrant sur le plan sportif. Les parents sont évidemment derrière tout cela et pensent beaucoup faire de leur enfant un futur Zidane. »
Des instances impuissantes…
Les attentes du coach héraultais sont claires. Mais si ce constat est partagé par de nombreux entraîneurs et dirigeants, les instances du football français ne semblent pas prêtes à s’attaquer à cet épineux sujet. Sébastien Ménard, qui a été pendant plusieurs années membre de deux commissions du District des Pyrénées-Orientales, ne cache pas son pessimisme. « Les instances ne font rien et je dirais même qu’elles facilitent indirectement ces dérives. Dans le milieu professionnel, vous devez passer chaque année devant la DNCG. Au niveau amateur, il n’y a que très peu de contrôles, voire pas du tout. Pourtant, il existe des règles URSSAF que peu de clubs respectent vraiment. Dans le même temps, la FFF impose qu’à partir d’un certain niveau de pratique, les entraîneurs soient diplômés et aient d’un contrat de travail, ce qui créé également de la surenchère. Et cela s’étend petit à petit aux catégories de jeunes avec la mise en place du « permis d’entraîner ». Si on résumait la situation : les entraîneurs et les arbitres sont assurés par tout un tas de protections, les joueurs sont libres de faire ce qu’ils veulent quand ils veulent. Quant aux clubs, ils n’ont finalement aucun pouvoir ou, tout du moins, aucun moyen de négocier d’égal à égal. C’est en refusant de mettre un cadre clair qu’il y a des dérives et que l’on voit de plus en plus de clubs disparaître pour des problèmes d’argent ou de fuite collective de joueurs. Les États-Unis, pays ô combien libéral et excessif sur bien des points, a pourtant imposé un système de salary-cap drastique dans ses championnats de sport collectif. Grâce à ce système, les clubs nord-américains ne se sont pas livrés à une surenchère des salaires, contrairement à ce qu’il se passe chez un grand nombre de clubs européens. Peut-être que la FFF et le gouvernement devraient se pencher un peu plus sérieusement sur la question. Chaque été, c’est la période des surenchères. Un mécène arrive dans un club et distribue les primes et les fixes à tour de bras pour essayer de récupérer les meilleurs joueurs du marché dans l’espoir d’obtenir des résultats très rapidement. Et quand ça ne marche pas, il repart en laissant le club dans une sale situation. Les joueurs font aussi jouer la concurrence : plus il y a de clubs, plus ils font monter les enchères. J’ai en tête un exemple d’un joueur qui a préféré partir dans un club qui jouait deux divisions en dessous pour 40€ de plus chaque mois. Pire, certains jeunes joueurs pensent pouvoir vivre du football amateur. » Le tableau dressé par les acteurs du football amateur est noir, d’autant qu’il ne cesse de s’assombrir ces dernières années. Avec les baisses des subventions, de nombreux clubs amateurs sont déjà en très grande difficulté. L’inflation des salaires des joueurs pourrait ainsi devenir un problème majeur dans un avenir proche. C’est aujourd’hui que le football amateur doit réagir s’il ne veut pas s’enfoncer. Des instances aux clubs en passant par les joueurs, tous les acteurs doivent se responsabiliser pour éviter que la situation ne se dégrade. L’enjeu est capital…
Bérenger Tournier
BRAVO POUR CET ARTICLE BERENGER ...TELLEMENT VRAI...
ACTU FOOT 34...........
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